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PELURES
16 octobre 2012

texte de la performance de Jalma Dog

debout face au public        debout face au public       debout face au public      debout face au public    debout face au public

 

 


« Je veux être l’ennemi public N° 1 de la littérature réunionnaise »

Prologue

Des individus, disent : je ne ressemble en rien aux autres écrivains de l'océan Indien.
Je suis un chômeur de très longue durée, un ramasseur de beaucoup de bouteilles vides, un plasticien sans qualification administrative, un improvisateur d’improvisation, un fervent métronome du cynisme.
J’ai des caprices de star.
Un pervers. Un paranoïaque.
Un donneur de leçon.
Un dictateur.
Un homme sans roi, sans foi, ni loi.

Je parle comme on écoute un docteur. J’écris comme on lit un dictionnaire.
Je joue avec les mots comme je me jette à l'eau.
Je refuse l'étiquette “écrivain” au profit de celle du participe “écrivant” ou encore de “parlant”. Quand j'écris, il y a toujours une suite.
Je n'en suis plus à un paradoxe prêt.
Si j’utilise le terme d’un mot qui est lié à mon vécu, c'est pour mieux le faire disparaître.
Je persiste à montrer que les livres d’Histoires de France ne sont qu’une forme de prudence de prestige de plus vis – à  - vis leurs historiens avant d’être une démence pour les franges réunionnaise.

Je signe que les manuels scolaires d’histoires de France devraient faire peurs à mes enfants, aux adultes. La tranquillité, les guerres, le colonialisme, la traite des hommes noirs en esclavage, l’économie de prestige et les excès de morts prématurés ou nécessaires dépassent la frontière de la fiction.
Ces manuels sont des armistices héréditaires sur mes idem complexes et complexés. Si l’archive d’une société est complexe ou complexée, l’écriture historique et social archivé de cette société doit être plus complexe ou plus complexée.

Pour moi l'utopie c'est le paroxysme de la vie.
J’exprime la violence symbolique des choses et de la chair. J’explique que  cette autre violence n’est pas physique mais qui peut détruire une communauté de manière plus radicale. Cette violence inouïe, cette tension du monde social réunionnais, profondément vraie, on ne peut l’aborder qu’avec la poésie dans son plus haut summum.


Je me déclare heureux aujourd'hui, non pas d'être forcément compris mais de pouvoir s'exprimer.
J’aime faire partager un obsessionnel prosélytisme sur une idée de principe que :  mourir sur le bord de la route c’est retrouvé l’instinct d’être porteur de voyage que « TOUS » nous étions.
J’adore affirmer : touts ces accidentées de la route étaient dans un moment de  voyage.
Je donne la parole aux morts célèbres, ou inconnus, rencontrés ou dénichés par moi-même.
J’invective la société réunionnaise en proclamant que la Réunion est peut-être plus moderne, mais qu’elle est pauvre en pensées, en rêves et en ambitions.
Que je veux aussi montrer qu’il faut que le réunionnais cesse de copier les mots des autres et s’acculturer, copier les mots des autres et s’acculturer, copier les mots des autres et s’acculturer.
Je persiste à faire croire : quand une personne s'accapare des mots qui existent déjà, cette personne n'est qu'à demi - vivant - parce qu'elle vit dans les mots des autres.
 Je pense que le fait d'avoir, moi-même, toujours vécu dans les mots des autres, c'est ce qui m'empêche d'être crédible.
Si quelqu’un ne rêve pas il est mort, la vie c’est pas le corps, c’est le rêve.
Sur l’île de la Réunion, il n'y aurait pas de jeunesse, pas de vieillesse.
Je ne veux pas que l’île de la Réunion suive l'exemple de Sodome et Gomorrhe, anciennes villes de Palestine célèbres pour les mœurs dissolues de ses habitants.

Le sort de ce cette île peut changer au rythme de ses politiciens, que le cours de mon existence restera le même.
Ma vie à moi ne changera pas. J'y suis habitué et donc quel que soit le président : je ferai face sans problème.

J'ai longtemps travaillé sur les signes du présent de cette société créole où je vis.
L’île de la réunion est un monde que je désespère de voir jamais changer, je veux que les gens se mettent à penser. Et à penser notamment que leur île est une exception, pour en être fier au lieu de chercher ailleurs des raisons d'exister.
La clochardition, l’amnésition, l’invisibilation c'est ce qui attend les réunionnais, là-bas. Et, je redoute le mal qui court déjà ici au nom de certaines cultures. Culture - voiture, culture - télé, culture - amnésie. Mais de culture - réalité, culture - fictionnelle, pas la moindre trace

Quand j'étais dans mon bidonville de Sainte - Clotilde N° 76 chemin la Croix, après celui de la ruelle des Anges à Saint - Denis, que des gens de mon entourage me disaient "il ne faut pas habiter là !"  mais que je savais ce que je faisais.
J'étais capable ainsi de regarder les gens vivre et de les écouter parler.
J’aime insinué à dire qu’il faut vraiment être dedans pour savoir ce qui se passe.

J’aurai toujours l'intention de montrer de façon très personnelle ma vision d'une société réunionnaise – malade et se contente de vivre dans l'instant, coupé du passé comme du futur.
Indéniablement : les mots sont toujours en rapports avec le passé.
L’oeil regarde, la mémoire voit.
Les mots prolonge mes intentions et que mon écriture les  annihile.
Mes parents m’empêchaient de lire en prétendant que les livres rendent fou.
Dans ma tête, j'ai beaucoup de visions, de rêves, de réalités aussi. Mais tout est embrouillé même que si je sais que d'autres oeuvres vont venir. Il suffit pour moi que quelqu'un provoque un déclic.

Je suis un marginal de l'écriture comme je le suis dans la vie ordinaire.
Je suis chargé d'un héritage de marginalité qui ne souffre plus la clandestinité.
Mon écriture n’est pas une vraie narration.
Quand j’écris, ce n'est pas juste pour le plaisir d'écrire mais que c’est pour montrer quelque chose de précis. Je suis déterminé à exister.

J’ai un imaginaire extraordinairement vierge de tout enseignement autre que primaire. Je bégaye des bribes des mots qui sont plus haut que ma vie.

Je suis quelqu'un, dont la vie n'a jamais été structurée. Et c'est pour que d'autre personne le comprenne que j'ai volontairement truffé mes œuvres de fautes visuelles et auditives.
Je prône quand un individu n'est pas considéré comme un homme de lettres, il est normal que cet individu ne sache pas écrire correctement.
Je couche sur le papier mon écriture ciselée de verbes riches de sens de ce que parler veut dire.
Cette écriture était enfermée depuis des années dans mon esprit bouillonnant de sable chaud sous un gros soleil.
Mes œuvres  ont pour point d’appuie : les symboles de mon vécu.

J’appartiens depuis des années au monde des exclus, et  j’entends le rester.
Je fais rimer mon statut d'exclu avec la création littéraire.

Je m’interroge sur ce qui est réel et ce qui ne l’est pas, et ce qui devrait l’être.
Je n'invente rien.
Je puise dans mon imaginaire, qui est, d’après moi – même, une mémoire qui m'est donnée. Et se souvenir n'est pas imaginer.

Je donne des ailes visibles aux personnages que j'ingénie à sortir de l’anonymat dans la chronologie de mes oeuvres.
Je donne un appui intelligible aux envolées de mots que je tire comme des balles, tel, dans un fusil, que je tire comme de l’argent, tel, dans un portefeuille, que je tire comme une cigarette, tel, dans sa boite.

J’ai le don des formules pour mettre mon doigt où ça fait mal.
Je suis un combattant du verbe.
J'utilise cette force parce que je suis un homme perdu selon les critères de la société réunionnaise et je n'ai donc rien à perdre.
Je veux rester tel que je suis pour être un témoin vis-à-vis de toutes les personnes en difficulté qui attendent quelque chose et qui ne se contentent pas de se fier aux apparences.

Je fais de l’ingérence  culturel, quand j’enseigne : la Réunion est une armée en déroute, chacun veut être “le” commandant, ce qui la condamne à l'échec, dans son passé et dans son futur. Ce résultat qui donne une société réunionnaise où chacun de mes personnages ont cette particularité de parler seul.
J’estime qu'un mot comme "seul" ne peut avoir de pluriel, pas plus que "solitude" ou "silence".

L'intrigue ou la publicité ne sont pas le fil conducteur essentiel dans mes oeuvres.
Je suis arrivé à l'écriture par le travers d'une circonstance dont seul mon destin peut en déterminer la raison.
Je suis un délateur de moi – même.
Je suis un quelque chose d’anormal.


Epilogue


Mais, sur cette île, ceux qui ne sont ni cyniques, ni capricieux, ni pervers, ni paranoïaques, ni anormal : sont plus anormaux que moi.
Je dis que je suis bien plus et encore mieux que touts cela.

Je veux être l’ennemi public N° 1 de la littérature réunionnaise

Ainsi, ces voitures installées ne forment pas un décor, mais trace un chemin de sens. Et quel sens – la distance. Le chemin de la distance. Et cette distance ce n’est pas du théâtre, ce n’est pas de la poésie, ce n’est pas la réalité : cette distance est un bel objet concret dans la banalité permanente que je refuse ce croire à cette fatalité.
Le concret permanent de la banalité, à l’île de la réunion est identique à l’amitié entre les réunionnais et ceux qui viennent vivre dans l’île. Tant que durera le concret permanent de cette banalité : voir les réunionnais s’aimer dans une logique d’extra - culturalisme et non d’inter - acculturalisme, sans défaut de folklore et sans images d’Epinal, est impensable.

Mais aujourd'hui, bien que j'aie été applaudi, je reste un chômeur, physiquement un chômeur mais dans ma tête je suis un travailleur, physiquement un travailleur très actif. Je continue à ramasser, physiquement à ramasser mes chopines. Je joue mon rôle d'exclu, physiquement je joue mon rôle d’exclu pour montrer que quand on a vraiment envie de faire quelque chose, on peut y arriver, quel que soit le niveau social.
Je constate que si les Antilles ont un Aimé Césaire, l'Afrique du Sud un Nelson Mandela, la planète Mars des Martiens, l’île de la Réunion, elle, attend toujours l'homme qui puisse faire rêver ses habitants et les faire avancer un peu dans l’ombre, les faire sortir un peu dans la lumière.
Ainsi, moi, dans la pénombre. J'ai découvert une vie où on cherche la vie. Et c'est pour ça qu'aujourd'hui, j'écris. Pas pour faire plaisir à quelqu'un, à M. l’adjoint au maire ou à deux ou trois amis alentour. J'écris parce que je vis. Et parce que beaucoup de personnes sont mortes autour de moi. Je veux parler en leur nom, en leur pseudonyme. En leurs état d’âme. Où tout cela va-t-il m’emmener, je ne sais pas. Mais c'est ça qui est bien !


Ici, il y a des voitures qui dorment et moi qui dors dans ma voiture qui dort : ce qui a été planifié a trouvé sa fin.

Floyd Dog

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  • Installations, performances, dessins, peintures, coutures... techniques mixtes. "Pelures" est un cycle construit en 5 ans.Productions le long d'un "voyage" entre les ressorts de l'intime et ceux des valeurs symboliques communément partagées, universelles.
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